Objectifs

Au printemps 2020, le confinement, mis en oeuvre par les autorités pour faire face à la pandémie de Covid-19, a profondément bouleversé les habitudes et conditions de vie de la population française. La fermeture de l’ensemble des établissements scolaires (primaires, secondaires et d’enseignement supérieur) a largement contribué à modifier les modes de vie des familles. La pandémie a par ailleurs accentué certaines inégalités en dégradant en premier lieu la situation des jeunes et des travailleurs précaires1. Elle a ainsi aggravé la précarité étudiante et a fait de ce sujet un enjeu central du débat public. L’enquête La vie d’étudiant confiné administrée en juin et juillet 2020 par l’Observatoire national de la vie étudiante, montrait en effet la fragilisation de certaines catégories d’étudiants en raison de la diminution de l’activité salariée et pointait les effets psychologiques du confinement (voir OVE Infos n°42).

Au confinement strict du printemps 2020 ont succédé des mesures plus souples autorisant la reprise de certaines activités dans les administrations publiques et dans les secteurs où le télétravail était impossible. Si l’année scolaire 2020-2021 a été marquée par l’application de couvre-feu et deux périodes de confinement, les écoles élémentaires, collèges et lycées ont été maintenus ouverts. La situation des étudiants a, elle, connu des évolutions différentes selon les modalités du stop and go sanitaire. L’état de la pandémie à la rentrée permettait d’envisager des enseignements sur site, mais la hausse du taux de circulation du virus a conduit à la mise en place de nouveaux confinements, avec une fermeture des établissements d’enseignement supérieur et une généralisation de l’enseignement à distance. Quand d’autres secteurs connaissaient un retour relatif à « la normale », ces transformations des manières d’étudier (et l’isolement associé) ont suscité de nouvelles interrogations quant aux incidences de la pandémie sur la santé mentale et les modes de vie des étudiants. L’enquête La vie d’étudiant en temps de pandémie, administrée en juin et juillet 2021, permet d’interroger la situation des étudiants dans ce contexte renouvelé. Quelles ont été les conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de logement, d’emploi et d’études au-delà de la période du premier confinement et comment les étudiants ont-ils vécu cette année ?

Méthodologie

Réalisée par l’Observatoire national de la vie étudiante avec la collaboration de Yannick Morvan, l’enquête La vie d’étudiant en temps de pandémie, dont sont issues les données de cette publication, a été réalisée auprès des étudiants ayant accepté d’être recontactés à la suite de l’enquête Conditions de vie 2020. Au total, près de 45 000 étudiants inscrits au printemps 2020 à l’université, en grand établissement, en CPGE, en école d’ingénieur, de commerce, d’art et de la culture ont été sollicités et près de 5 000 ont participé à l’enquête.

Cette enquête nationale a été réalisée entre le 28 juin et le 15 juillet 2021 et vient compléter l’enquête La vie d’étudiant confiné réalisée un an plus tôt, à l’issue du premier confinement. Les étudiants ont été contactés par mail pour participer à l’étude et ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne. Pour garantir une meilleure représentativité de l’échantillon, les données brutes obtenues ont été pondérées à partir des informations centralisées par le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur les inscriptions effectives dans les établissements.

Les résultats présentés ici correspondent à l’analyse de 4901 questionnaires complétés par des étudiants toujours en études en 2020-2021, croisés avec les données des deux premières vagues d’enquête. Les comparaisons avec une période « normale » ou « ordinaire » sont faites grâce aux données de l’enquête Conditions de vie 2020 dont ont été exclus les primo-inscrits. Ce dispositif original permet de saisir les conditions de vie des étudiants avant et durant le confinement ainsi que les prolongements de la crise sanitaire durant l’année universitaire 2020-2021.

Résultats

Après le confinement strict du printemps 2020, cette dernière année universitaire (2020-2021) a été marquée par un assouplissement des mesures sanitaires autorisant une certaine reprise de l’activité économique et un retour relatif à des modes de vie « ordinaires ». Les indicateurs permettant de décrire les trajectoires résidentielles des étudiants et leur activité rémunérée attestent de cette dynamique, sans pour autant atteindre les seuils observés avant la crise. Ces résultats peuvent être présentés sous deux angles différents : une perception optimiste de la situation consisterait à dire que nous assistons à une amélioration progressive de la situation après le choc du premier confinement ; une autre forme de présentation, moins enchantée, reviendrait à souligner que les déstabilisations engendrées par la crise sanitaire ont encore impacté les modes de vie étudiants durant la dernière année universitaire, d’autant que les enseignements à distance sont restés la norme durant cette période. S’il est possible d’approcher les conditions objectives d’existence selon les modalités du « verre à moitié vide » ou du « verre à moitié plein », l’appréciation par les étudiants de leurs conditions de vie et d’études s’est clairement dégradée en 2020-2021 en comparaison d’une année ordinaire, mais aussi par rapport au confinement strict (du printemps 2020). Les réponses apportées aux questions subjectives des trois vagues d’enquête sont assez nettes sur ce point, mais diffèrent selon les caractéristiques des étudiants. Ceux qui n’ont pu bénéficier du soutien rapproché de leur famille ont été particulièrement affectés par les prolongements de la crise sanitaire durant l’année 2020-2021. Un an après la mise en œuvre du label « Bienvenue en France », on compte parmi eux nombre d’étudiants étrangers. A contrario, les étudiants, souvent les plus jeunes, qui ont pu traverser cette année avec leurs proches ou profiter du soutien financier et matériel de leurs parents ont été relativement préservés durant cette période de stop and go sanitaire.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer la détérioration du ressenti des étudiants et l’aggravation de leur détresse psychologique par comparaison au premier confinement. On peut notamment y voir les signes d’une crise qui – d’abord appréhendée comme temporaire – s’installe tout de même dans la durée (avec les difficultés matérielles et l’incertitude associées). On peut également y voir les traces d’un recours moins important aux parents (notamment au domicile parental) avec pour conséquence un isolement renforcé durant les périodes de confinement. Les restrictions imposées aux seuls étudiants ont aussi mis l’accent sur la dégradation de leur santé mentale et participé à rendre plus visible un phénomène déjà perceptible depuis plusieurs années.